Edité par Luc MICHEL
Et CENTRAFRICA-NEWS-TV/
2023 11 05/
Avec PRESS TV

Avant les récents discours du roi Charles III au Kenya et du président allemand Frank-Walter Steinmeier en Tanzanie, d’autres pays européens ont présenté des excuses pour les exactions commises pendant la période coloniale en Afrique.

En 2013, le Royaume-Uni avait exprimé des « regrets sincères » au Kenya sans s’excuser totalement pour la répression des Mau Mau dans les années 1950. La même année, le Premier ministre britannique David Cameron avait qualifié de « profondément honteux » le massacre perpétré en 1919 en Inde.

L’Allemagne a reconnu en 2021 le « génocide » contre les Namas et Hereros en Namibie colonisée de 1884 à 1915. En visite en Tanzanie cette semaine, le président Frank-Walter Steinmeier a demandé « pardon » pour les victimes de la domination coloniale allemande, dont le massacre Maji-Maji au début du XXe siècle.

La Belgique a exprimé en 2020 et 2022 ses « plus profonds regrets » pour les « blessures » infligées au Congo belge, ainsi que des excuses en 2019 pour les enfants métis arrachés à leur mère.

Quant à l’Italie, Silvio Berlusconi a présenté en 2008 ses excuses à la Libye pour la colonisation de 1911 à 1942.

LA FRANCE A RECONNU EN 2017 QUE LA COLONISATION DE L’ALGERIE ETAIT « UN CRIME CONTRE L’HUMANITE »

Avant de s’engager en 2021 à des « actes symboliques » de réconciliation sans « repentance » ni « excuses ».

Alors que d’autres pays ont su réinterroger sur leur passé colonial dans des lieux ouverts au débat, la France fait encore figure d’exception par son incapacité à ériger le musée fédérateur réclamé de longue date.

La création d’un musée consacré aux colonisations en France est une vieille idée qui revient régulièrement dans le débat public. Portée depuis plusieurs années par des historiens comme Nicolas Bancel et Pascal Blanchard, cette proposition trouve un écho renouvelé dans un article du Monde du 30 octobre dernier. Selon les deux chercheurs, un tel musée permettrait de faire avancer la réflexion collective sur cet épisode crucial de l’histoire de France, qui reste encore largement occultée dans l’espace public.

Pourtant, l’histoire coloniale est de plus en plus présente dans les travaux académiques et les débats de société. Mais les positions restent polarisées entre partisans d’une vision nostalgique du passé et tenants d’une lecture décoloniale radicale. « Plus personne ne conteste aujourd’hui l’importance de cette histoire longue de cinq siècles », souligne le quotidien. Mais dans le même temps, la France fait figure de mauvais élève par rapport à ses voisins européens sur la préservation et la transmission de cette mémoire complexe.

Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas… De nombreuses anciennes puissances coloniales se sont dotées ces dernières années de structures muséales et de commissions historiques pour explorer ce pan méconnu de leur identité nationale. En France, malgré le discours d’Emmanuel Macron qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité », peu de choses ont concrètement évolué. Si des rapports ont été produits sur des épisodes particuliers, aucun grand musée d’envergure n’a vu le jour pour mettre en perspective l’ensemble de cette histoire multiséculaire.

Pire, le débat public sur la nécessité ou non d’un tel projet fait défaut, contrairement aux autres pays. « Notre pays est ainsi désormais à la traîne des initiatives des autres ex-métropoles coloniales en ce domaine », relève Le Monde. Pourtant, des millions de Français ont un lien direct avec cette période, qu’ils soient rapatriés, harkis, originaires d’outre-mer ou issus de l’immigration postcoloniale. Autant de mémoires et d’identités longtemps minorées.

Pour les historiens, ériger un musée des colonisations permettrait de « relativiser les mémoires antagonistes » et d’éviter la « polarisation entre nostalgiques et décoloniaux radicaux ». Il s’agirait aussi d’« intégrer à l’histoire les millions de personnes qui s’en sentent exclues ». Plus largement, un tel projet contribuerait à « repenser notre roman national » à l’aune de cette page longtemps occultée. En ouvrant le débat avec l’ensemble des acteurs concernés, il s’inscrirait dans une démarche pédagogique et fédératrice.

Reste à savoir si la France sera enfin prête à relever ce défi mémoriel et historique, à l’heure où s’ouvre la Cité internationale de la langue française. Pour l’instant, malgré les discours, le tabou persiste sur ce pan du passé national. Pourtant, conclut l’article, « si nous sommes capables d’édifier cette cité, nous devons imaginer ce musée. Sinon, la page coloniale ne pourra être tournée. »

* La vidéo (2e séquence du magazine) :
https://french.presstv.ir/Detail/2023/11/02/713883/Zoom-Afrique-du-2-novembre-2023

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