2023 08 15
Luc Michel, géopoliticien s’exprime sur le sujet.
Mali: le groupe jihadiste du Jnim impose un blocus à la ville de Tombouctou
Au Mali, le Jnim impose un blocus à Tombouctou. Le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, lié à al-Qaïda, interdit depuis plusieurs jours aux camions de marchandises d’entrer dans la ville. Les autorités locales tentent de rassurer les populations et, pour le moment, rien ne manque dans la ville.
Publié le : 16/08/2023 – 13:58
2 mn
Dans les rues du quartier Djingareyber, à Tombouctou, en mars 2021.
Dans les rues du quartier Djingareyber, à Tombouctou, en mars 2021. © RFI/David Baché
Texte par :
David Baché
Dans une série de messages audios diffusés en début de semaine dernière – ils ont commencé à circuler à partir du 8 août 2023 –, le commandant du Jnim pour la région de Tombouctou, Talha Abou Hind, annonce qu’il ne laissera plus passer aucun camion en provenance d’Algérie et de Mauritanie, d’où proviennent la plupart des marchandises consommées à Tombouctou, mais également de la région malienne du Mema, plus au sud. Il affirme également que ses hommes se mobilisent autour de la ville pour « une guerre totale » contre l’État malien, qui a « fait appel à Wagner [groupe paramilitaire russe, NDLR] comme il avait appelé Barkhane et Takuba [des forces militaires française et européenne qui ont depuis quitté le Mali, NDLR] ».
Routes bloquées
Ces derniers jours, la menace a été mise à exécution : selon les nombreuses sources jointes à Tombouctou, plus aucun camion en provenance d’Algérie, de Mauritanie, mais également des villes maliennes de Bambara Maoudé, Mopti ou Goundam, n’a pu entrer dans la ville. Les transporteurs attendent aux frontières, restent bloqués dans la région de Taoudeni ou rebroussent chemin. Les véhicules des particuliers, eux, peuvent circuler.
Pour autant, selon les témoignages recueillis par RFI, c’est le calme qui règne actuellement à Tombouctou. Pas de pénurie, les commerçants disposent de stocks et certaines marchandises arrivent encore en provenance du sud. « J’étais au marché ce matin, rien ne manque », témoigne un habitant. « Si la situation dure, ce sera difficile », redoute tout de même un commerçant. « Nous avons confiance : pour le moment, rien d’alarmant », assure un notable de la ville.
Les autorités rassurent
Si les habitants de Tombouctou ne cèdent pas à la panique, quelques dizaines de familles – aucun chiffre précis n’a pu être recoupé – ont pourtant décidé de quitter la ville. Certaines par crainte de la menace jihadiste, d’autres – majoritairement arabes – parce qu’elles redoutent la réaction de l’armée malienne et d’éventuels amalgames.
Une situation face à laquelle les autorités militaires et administratives locales tentent de rassurer : par communiqué ou lors de déclarations publiques, le gouvernorat de Tombouctou et le commandement militaire de la zone ont affirmé leur mobilisation au service de tous, demandé aux populations de rester dans la ville et de vaquer librement à leurs occupations. Sollicité par RFI, le gouvernorat n’a pas donné suite.
Une situation que complexifie davantage le contexte de tensions entre l’armée malienne et les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad, une CMA signataire de l’accord de paix de 2015, à Ber, à seulement une soixantaine de kilomètres.
Mali: les attaques de Ber ont un lien avec la situation du Niger ?
La question s’est longtemps posée, qui du gouvernement malien ou de la CMA est le maître de Ber ? En tout cas, la Minusma a annoncé le dimanche 13 août dernier avoir « anticipé », pour des raisons de sécurité, son retrait du camp de Ber. Et les Forces armées maliennes affirment l’avoir récupéré « après de nombreux incidents » avec les groupes « terroristes » et malgré la convoitise de l’ex-rébellion touarègue.
« La Minusma a anticipé son retrait de Ber en raison d’une prétendue dégradation de la sécurité dans la zone et des risques élevés que cela fait peser sur ses Casques bleus », explique la Mission des Nations unies au Mali dans un message diffusé sur X (anciennement Twitter), sans précision sur la date de départ initiale prévue et les effectifs. Elle « invite les différents acteurs concernés à s’abstenir de tout acte qui pourrait davantage compliquer l’opération ».
L’armée malienne, dans un communiqué publié, le dimanche soir, dit contrôler le site, désormais.
Les Forces armées maliennes (Fama) ont expliqué dans ce texte que, « dans le cadre du processus de rétrocession des emprises de la Minusma, elles ont « pris possession du camp de Ber ce 13 août aux environs de 8h30 [heure locale], après de nombreux incidents ayant émaillé le mouvement de [ses] unités ».
Sur le chemin menant à Ber pour récupérer le camp, elle rapporte divers incidents avec « les GAT » (groupes armés terroristes), dont « une tentative d’incursion dans le dispositif et des tirs de harcèlement » contre ses troupes, le 11 août et d’autres « affrontements » ayant fait au total « six morts et quatre blessés » dans ses rangs. Des « tirs sporadiques » ont visé dimanche les soldats qui progressaient vers Ber, selon le même texte, qui ne précise pas l’identité des assaillants.
Alors que la mise en œuvre de l’accord de paix est sabotée par des groupes armés et leurs alliés, la rétrocession à l’armée malienne des camps de la Minusma, en particulier à Ber, fait courir le risque d’une reprise des hostilités entre les groupes indépendantistes et Bamako. Sommes-nous proches de l’éclatement d’un nouveau conflit au Mali ? Depuis plusieurs mois, le fossé se creuse entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et l’armée malienne.
Pourquoi la situation s’est-elle envenimée ? Le retrait de la mission de l’ONU (Minusma), à la demande des autorités de transition, serait à l’origine de cette dernière crise. La CMA accuse le pouvoir de la transition de chercher à y prendre le contrôle des bases abandonnées. Le 10 août dernier, l’ex-rébellion touareg du nord du Mali par la voix du porte-parole du Cadre stratégique permanent (CSP), une coalition de mouvements politiques et militaires indépendantistes du nord du Mali affirmait ne plus être en sécurité à Bamako. Elle avait alors décidé de faire quitter la capitale à tous ses représentants. “Notre direction estime que nous ne sommes plus en sécurité dans la capitale et que les raisons de notre présence au nom de la CMA sont entièrement compromises “, affirmait Attaye Ag Mohamed, chef de la délégation de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
Quant aux forces armées maliennes (FAMA), elles affirment avoir “riposté vigoureusement” à “une tentative d’incursion dans leur dispositif et à des tirs de harcèlement” de la part de “terroristes “. Cet affrontement a fait un mort et quatre blessés côté armée selon les FAMA. “Les terroristes dans leur débandade ont abandonné quatre corps, plusieurs motos et des matériels militaires “, ont indiqué les Fama sur leur page.
En attendant, les analystes sont unanimes que ces actes marquent, « le début des hostilités » entre les partisans de l’État indépendantiste de l’Azawad et les autorités légitimes de Bamako. Et ce, dans le but d’occuper un maximum les Autorités maliennes et l’armée nationale, pour qu’ils n’aient plus assez d’hommes pour aider le Niger. Les Occidentaux usent de tous leurs moyens pour relancer une guerre contre le Niger à l’instar de la Libye, et empêcher les voisins de venir défendre le pays frère. Mais personne ne peut faire face à la population du Sahel, car c’est elle qui est souveraine et qui décide de son destin, pas les Occidentaux.
3. Mali: l’OTAN veut occuper les FAMA pour attaquer le Niger ?
Comme par le plus grand des hasards, au moment où les autorités maliennes se mêlent de la défense du Niger, la situation sécuritaire se complique dans certaines localités du pays. Pour l’Occident, c’est le moment de pousser les groupes terroristes à semer la terreur. En effet, le retrait des troupes de la Minusma est accompagné d’une montée de la tension sur le terrain, séparatistes et terroristes, voulant semer la zizanie pour aggraver la situation sécuritaire et ainsi occuper l’armée malienne au cas où la CEDEAO, qui pour rappel à décider de suivre les diktats des occidentaux, use de l’option militaire pour ainsi transformer le Niger en une nouvelle Libye.
On comprend bien maintenant que, comme la Libye, si le Niger tombe, ce sera le chaos total au Mali et au Burkina Faso. En attendant, l’armée nationale malienne qui est en train de reprendre les camps des Casques bleus fait face à des harcèlements continus.
De nombreux villages sont secoués par les terroristes dans les régions de Ségou, Mopti et Bandiagara depuis plus d’un mois. Des habitants de villages entiers ont dû fuir face à des incursions terroristes loin des forces armées maliennes. Cette situation d’insécurité a pris de l’ampleur dès le mois de juin au moment où les premières pluies ont commencé. Mais c’est dans le nord du pays qu’il y a un risque élevé d’affrontements entre les FAMa et les groupes armés indépendantistes et terroristes. La CMA ne voudrait pas voir la présence des forces armées nationales dans les emprises que les Casques bleus sont sur le point d’abandonner. Car il est important de rappeler que le rôle des Casques bleus dans ces régions était justement la protection des groupes armés indépendantistes et terroristes. Ils étaient là, au côté de l’armée française, pour empêcher l’armée malienne et les Autorités légitimes du pays d’entrer dans les zones du Nord du pays.
Ainsi, dans le cadre de la rétrocession des emprises de la Minusma, les forces armées maliennes, en mouvement vers la localité de Ber, région de Tombouctou, ont riposté vigoureusement, le vendredi 11 août 2023, à une tentative d’incursion dans leur dispositif et à des tirs de harcèlement faisant un bilan de 1 mort et 4 blessés côté ami. Selon un communiqué des FAMa, les terroristes dans leur débandade ont abandonné 4 corps, plusieurs motos et des matériels militaires. Ce bilan a évolué, les terroristes ont perdu 24 corps et de nombreux matériels. Présentement, l’armée est dans le camp de Ber après plus de dix ans d’absence.
Pour envenimer la situation, les responsables des groupes armés qui vivaient à Bamako ont visiblement tous plié bagage récemment, prétendant qu’ils n’étaient plus en sécurité dans la capitale. Ce départ des cadres politiques de la ville de Bamako présage des accrochages entre leurs mouvements et l’armée malienne. La situation sécuritaire au Niger pourrait donner de nouvelles opportunités aux séparatistes qui comptaient sur la Minusma pour diviser le Mali au nom de l’Accord d’Alger rédiger sous l’égide de la France. Il suffit que l’OTAN déverse des armes aux groupes armés terroristes pour pousser le Mali d’une manière ou d’une autre à une division.
Quant à des localités comme le Pays Dogon, le retrait des Casques bleus est surveillé comme du lait sur le feu par des ressortissants de la localité. Dans ce contexte, le camp de la Minusma du village d’Ogossagou a été remis aux FAMa. À présent, les FAMa sont sur place après une cérémonie de remise qui s’est déroulée dans l’enceinte dudit camp en présence du Préfet du Cercle de Bankass, le Colonel Aly Sidibé.
La Cheffe du Bureau de la Minusma à Mopti, Mme Solange Usher Akouba, et le Commandant du Secteur 4 de l’Opération « Maliko », le Colonel Karim Traoré étaient tous présents. L’occasion a abouti à la signature de la Certification de remise du site, des biens et équipements. Même si la rétrocession de ce camp s’est déroulée en toute transparence et en bonne coordination avec la mission onusienne, la tension reste vive dans la zone.
Certains sponsors du terrorisme sont préoccupés par la situation politique au Niger, et bougent par la même occasion les lignes au Mali. Selon certains, cette manœuvre vise principalement à occuper l’armée malienne pour qu’elle ne vienne pas en aide au Niger. Car en tant que voisin, la sécurité au Mali est liée également à la stabilité du Niger.
Si l’invasion de la Libye par l’OTAN avait été empêchée, le Mali ne serait pas entre les mains des hordes terroristes. On sait bien que les premiers coups de fusil tirés contre le Mali ont été l’œuvre des groupes armés que l’OTAN a utilisés contre Mouammar Kadafi.
Et pendant les dix dernières années, le Mali en a payé le prix fort. C’est donc de bonne guerre que les autorités actuelles se préoccupent du cas nigérien où l’OTAN veut encore intervenir militairement au nom de sa pseudo “démocratie”. Les colonels savent mieux que quiconque que le Mali ne pourra plus se porter mieux dans les dix ou vingt ans à venir si le Niger est attaqué dans le but de remettre Mohamed Bazoum au pouvoir et continuer donc à servir les intérêts des Occidentaux. Et cela sera la même histoire pour le Burkina Faso.
Mais si les Occidentaux n’ont pas su intervenir pour libérer leurs otages et s’occuper de petits groupes terroristes, comment comptent-ils s’attaquer au Niger et faire face par la même occasion à l’armée malienne, burkinabé, guinéenne et algérienne ?
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