2023 02 26
Avec Press TV

nouvelle guerre froide occidentale en Afrique :
L’influence russe s’accroît en Afrique de l’Ouest, dans des pays comme le Mali et le Burkina Faso, jusqu’en Afrique du Sud, l’économie la plus avancée du continent.

La propagande occidentale pour isoler la Russie a lamentablement échoué en Afrique. Un manifestant en République centrafricaine, ancienne colonie française, affirme que la Russie a joué un rôle positif dans son pays. C’est une nouvelle guerre froide qui se déroule en Afrique, entre la Russie et les puissances occidentales.

Pendant ce temps, les pays africains réaffirment leur indépendance tout en rejetant l’impérialisme occidental et le néo-colonialisme. Les pays africains réussiront-ils à empêcher les puissances occidentales de s’ingérer et de contrer la Russie sur le continent ?

LES ALLEMANDS SONT TRÈS INQUIETS DE L’INFLUENCE RUSSE EN AFRIQUE

Selon le rapport de l’agence de presse allemande DPA, la Russie souhaiterait accroître son influence en Afrique. Deux ministres allemands qui se sont rendus dans cette région s’inquiètent de cette question et veulent en traiter en coopérant davantage avec les pays du golfe de Guinée.

La ministre du Développement Svenja Schulze et le ministre du Travail Hubertus Heil veulent faire plus pour combattre l’influence russe en Afrique. Les deux ministres du SPD ont souligné jeudi en Côte d’Ivoire que la guerre de la Russie contre l’Ukraine a des effets dévastateurs en Afrique. L’Allemagne veut donc étendre son soutien aux pays touchés et, si possible, y repousser l’influence de la Russie.

« Les ondes de choc de la guerre, les prix élevés des denrées alimentaires, des engrais et de l’énergie arrivent également ici en Afrique de l’Ouest et dans de nombreux autres pays du Sud », a déclaré Schulze à Agboville, en Côte d’Ivoire.

Le ministre du Travail Hubertus Heil a souligné que l’inflation et la hausse des prix du blé ont causé des problèmes à de nombreuses personnes en Afrique.

Les ministres resteront en Côte d’Ivoire jusqu’à vendredi, après s’être déjà rendus, il faut le préciser, au Ghana.

Heil a souligné que « cette guerre n’est pas purement européenne » et que la majorité de la communauté internationale (sic) serait d’avis que « Poutine ne doit pas gagner » (resic) . Les gouvernements du Ghana et de la Côte d’Ivoire sont « du bon côté de l’histoire », selon Heil (resic).

Schulze a déclaré à l’agence de presse allemande : « La Russie est également active en Afrique et tente de déstabiliser des régions entières ».

Selon certaines informations, le Burkina Faso frappé par le terrorisme, situé au nord du Ghana et de la Côte d’Ivoire, aurait amené les mercenaires russes Wagner dans le pays. De plus, la Russie y opérerait avec des campagnes de désinformation selon la BBC qui cible directement Luc Michel, qualifié de « tsar de la propagande russe en Afrique » et « un des plus grands propagandistes du Kremlin en Afrique ». Schulze a conclu: « Nous essayons de renforcer et de stabiliser les sociétés avec notre offre de développement. »

COMMENT LA GUERRE EN UKRAINE A ELOIGNE L’AFRIQUE DE L’OCCIDENT

Il y a tout juste un an, la Russie de Vladimir Poutine décidait d’envahir l’Ukraine et d’y mener une guerre dont les effets et conséquences affectent particulièrement le continent africain. Les pays africains hésitant à choisir entre Moscou et Kiev, cette guerre a mis en exergue le rôle que peut jouer l’Afrique lors des votes à l’ONU. Mais elle est aussi l’occasion pour certains, de réaffirmer leur indépendance diplomatique.
Le 36e sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine s’est achevé le 19 février dernier, à Addis-Abeba, en Ethiopie, sans décision officielle au sujet des conséquences sur le continent de la guerre russo-ukrainienne. La question reste pourtant présente dans les esprits, d’autant que les chancelleries russe et occidentales ne ménagent pas leurs efforts pour séduire ou conforter leurs positions sur le continent.

L’OCCIDENT GLOBAL FACE AU SUD GLOBAL

Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, les pays occidentaux soutiennent militairement l’armée ukrainienne et adoptent immédiatement une série de sanctions économiques et politiques en représailles. La plupart des pays africains refusent eux de prendre publiquement position, et donc forcément de condamner ouvertement l’invasion, puis la guerre russe contre l’Ukraine., Ils subissent pourtant de plein fouet les conséquences de ce conflit, en particulier ce qui concerne le blocage par l’UE d’approvisionnements dont leurs populations ont le plus grand besoin. Vu du continent, l’analyse de la guerre en Ukraine révèle des différences de perception avec l’Occident.

GUERRE EN UKRAINE : LA POSITION DE L’AFRIQUE A-T-ELLE EVOLUE ?

La prise en compte de ce fossé est au cœur des recherches du Policy Center for the New South, un groupe de réflexion marocain dont l’objectif est de contribuer au développement de politiques publiques en Afrique et dans ce qu’ils nomment le « Sud global ». Cette notion désigne les pays du Sud autrefois dits du tiers-monde et qui sont non-alignés sur l’Occident. Un Sud global dont l’Afrique fait partie intégrante.

Si la guerre en Ukraine permet de constater aujourd’hui un raffermissent de l’alliance occidentale que les chercheurs du Policy Center for the New South qualifient désormais d’ »Occident global », elle montre également que les pays du Sud global, réaffirment pour certains leur autonomie, notamment en matière de politique étrangère, ou profitent de l’occasion pour consolider la diversification de leurs partenariats. «

L’Occident global ne s’attendait pas non plus, écrivent les chercheurs du Policy Center for the New South, à recevoir un signal aussi clair que les intérêts occidentaux ne sont plus, de facto, ceux du reste du monde. Les valeurs occidentales ne sont pas non plus considérées comme universelles. »

OFFENSIVES DIPLOMATIQUES TOUS AZIMUTS

Le dernier sommet Union européenne (UE) – Union africaine (UA), qui s’est tenu à Bruxelles, en Belgique, en février 2022, après un report dû à la pandémie de Covid-19, devait marquer le début d’un « partenariat d’égal à égal » entre les deux organisations. En dépit de la présence d’une quarantaine de dirigeants africains et, par exemple, d’une promesse d’investissement de 150 milliards d’euros dans des secteurs tels que l’énergie, les transports, les infrastructures numériques, la santé et l’éducation, le sommet est éclipsé par l’intensification de la crise en Ukraine, avant l’invasion russe du 24 février.

Comme le soulignent les chercheurs du Policy Center for the New South : « La guerre fait suite à plus de deux ans d’une pandémie qui a affecté les chaînes d’approvisionnement et la production mondiales, et a encore plus gravement touché les pays les plus pauvres du monde. La Banque mondiale estime que les pays en développement ont ajouté au moins 45 % de nouvelles dettes à des fardeaux déjà insoutenables, dans le but de gérer la crise sanitaire et de faire face à ses effets économiques et sociaux les plus flagrants. Des millions de personnes ont été repoussées dans la pauvreté […] La Zambie et le Mali ont fait défaut sur leurs dettes souveraines, tout comme le Sri Lanka, pour la première fois de son histoire. »

« Et en tant qu’Africain, quand on voit la mobilisation des Occidentaux, et là je parle en tant que Sahélien, pour résoudre la crise ukrainienne, on ne peut s’empêcher de penser à tout le temps que nous avons passé à courir derrière l’Occident pour qu’elle nous donne des moyens », dit Seidik Abba, essayiste et journaliste indépendant

LES CONSEQUENCES DE CE CONFLIT CONTINUENT DE SE REPERCUTER SUR LES RELATIONS ENTRE L’UE ET LES PAYS AFRICAINS.

Ces derniers ont en effet fait les frais de l’interruption des importations de blé et de céréales, ainsi que des principaux intrants agricoles tels que les engrais. « Avec ce conflit, affirme Serigne Bamba Gaye, spécialiste en politiques publiques et relations internationales, « on a vu que les marchés mondiaux concernant ces produits étaient chamboulés. Et l’Afrique vivait une situation difficile de pénurie. Ce qui allait avoir des conséquences inflationnistes, mais également au niveau de la stabilité sociale et politique de certains Etats. » Cette situation a conduit des pays comme le Ghana, l’Egypte et le Kenya à conclure des accords de renflouement au cours des derniers mois avec le FMI, le Fonds monétaire international.

LE RECUL DE L’OCCIDENT AU SAHEL

Autre conséquence de ce conflit, la lutte d’influence entre l’Occident et la Russie s’est exacerbée au Sahel et en Afrique.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, multiplie les tournées sur le continent. L’un de ses derniers voyages l’a conduit le 6 février dernier à Bamako, au Mali. L’influence russe croissante pèse sur l’agenda diplomatique et sécuritaire de l’Union européenne dans ce pays où elle a décidé de mettre fin à ses missions de formation et d’entraînement de l’armée malienne en avril 2022.

Le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, déclarait néanmoins que l’UE « n’abandonnait pas le Sahel ». Une déclaration que contredit quelque peu le départ des troupes françaises du Mali il y a quelques mois, puis du Burkina Faso plus récemment, mais aussi celui prévu des troupes allemandes au cours des douze prochains mois.

Par ailleurs, la montée du sentiment anti-français dans la région du Sahel, a culminé en janvier 2023 avec l’expulsion de l’ambassadeur de France Luc Hallade, par la junte burkinabé, qui en cela, emboitait le pas au voisin malien.

Autre événement significatif du climat de tension et de défiance avec l’Occident global, la décision des autorités burkinabé de déclarer persona non grata Barbara Manzi, la coordinatrice humanitaire des Nations unies. Parallèlement à tout ceci, les juntes militaires malienne et burkinabé intensifient leurs relations diplomatiques avec la Russie.

CETTE OMNIPRESENCE RUSSE COMBINEE A LA RUPTURE DIPLOMATIQUE FRANCO-MALIENNE ET AU DEPART DES TROUPES FRANÇAISES DU MALI, MONTRE QUE L’OCCIDENT GLOBAL SUSCITE DES RANCŒURS ET PERD DU TERRAIN DANS LE SAHEL EN PARTICULIER.

« Et en tant qu’Africain, témoigne l’écrivain et journaliste nigérien indépendant Seidik Abba, quand on voit la mobilisation des Occidentaux, et là je parle en tant que Sahélien, pour résoudre la crise ukrainienne, on ne peut s’empêcher de penser à tout le temps que nous avons passé à courir derrière l’Occident pour qu’elle nous donne des moyens ; et ils nous répètent qu’ils n’en ont pas, ils disent par ailleurs qu’ils ne nous donnent pas les armes parce que ce n’est pas la doctrine européenne. Et là, ils ont décidé de réviser leur doctrine pour donner des armes à l’Ukraine, alors qu’ils les avaient refusées au Sahel et à d’autres parties du monde. »

L’INDEPENDANCE DIPLOMATIQUE SUD-AFRICAINE

Avec la guerre en Ukraine, l’Afrique est plus courtisée que jamais. L’on se souvient qu’en mars et octobre 2022, près de la moitié des pays du continent ont choisi l’abstention ou la politique de la chaise vide, lors du vote à l’ONU dénonçant l’invasion russe de l’Ukraine. Le vote du 23 février 2023 d’une résolution qui appelle au retrait des troupes russes est presque similaire à celui d’octobre dernier. En juin 2022, dans un discours en visioconférence devant l’Union africaine, le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’est pas parvenu à faire changer d’avis les pays réfractaires à tout choix entre les parties en conflit.

Dans le cadre de sa prochaine tournée début mars prochain en Afrique centrale, le président français Emmanuel Macron ne manquera sans doute pas de peser de tout son poids pour défendre les intérêts de la France en particulier et de l’Occident en général.

De son côté, l’Ukraine développe également sa présence en Afrique.

Face à ces offensives diplomatiques, de grandes nations du Sud global n’hésitent pas à réaffirmer leur autonomie et leur souveraineté. C’est notamment le cas de l’Afrique du Sud, qui, un an après le début du conflit, décide de se retrouver dès ce 24 février 2023 aux côtés des forces navales russes pour dix jours d’exercice conjoints dans l’Océan indien. Si cette démarche sud-africaine n’est pas inédite, elle confirme néanmoins la volonté ferme d’assoir l’indépendance diplomatique du régime de Pretoria.

L’ANC, le Congrès national africain, au pouvoir en Afrique du sud, garde en effet en mémoire le soutien soviétique au mouvement de libération. A l’inverse, certains pays occidentaux comme la Grande-Bretagne ont longtemps été hostiles aux organisations qui luttaient contre l’apartheid. « L’ANC est loyale envers ses anciens alliés, rappelle la journaliste indépendante et spécialiste de l’Afrique du sud Sabine Cessou, dont la Russie évidemment, qui a été l’un des premiers pays à lutter contre l’apartheid, à former des Sud-Africains en les accueillant en Russie, l’URSS à l’époque, et à les former militairement… Cette histoire-là ne peut pas s’oublier. »

« LA DÉSINFORMATION RUSSE (SIC) AFFAIBLIT L’INFLUENCE FRANÇAISE ET LA REMPLACE » DIT LA BBC QUI CIBLE LUC MICHEL

« Un important réseau social qui soutient les idéologies pro-Kremlin et anti-occidentales aide la Russie à déplacer la France dans plusieurs de ses anciennes colonies en Afrique », dit encore la BBC : « Connu sous le nom de Russosphère (sphère russe), les postes typiques y suivent la ligne officielle russe et accusent la France de « colonialisme » contemporain, louent Vladimir Poutine et qualifient l’armée ukrainienne de « nazis » et de « satanistes » (…) Selon les experts, ces fausses informations(resic) entretiennent la méfiance entre les pays africains et l’Occident et diminuent le soutien à l’Ukraine sur le continent (…) le mystérieux cerveau du réseau : un politicien belge de 65 ans qui s’identifie comme un stalinien.

Défendre la Russie et remercier Wagner : « La russosphère se décrit comme « un réseau de défense de la Russie ». Composé de plusieurs groupes de médias sociaux sur différentes plateformes, il a été créé en 2021 mais entièrement lancé en février 2022 – quelques jours seulement avant l’invasion russe de l’Ukraine. Le réseau a rapidement gagné plus de 40 000 abonnés. Après l’invasion, l’accès aux médias officiels russes a été soit limité, soit interdit sur toutes les plateformes de médias sociaux populaires. En revanche, la sphère russe a immédiatement commencé à utiliser Facebook, YouTube et Twitter, ainsi que Telegram et VK, l’équivalent russe de Facebook. »

« Cette découverte intervient à un moment où les relations entre la France et plusieurs pays africains se détériorent rapidement, ce que les analystes attribuent en partie à l’influence du Kremlin et à une montée de l’humeur pro-russe alimentée par la propagande (…) le réseau remonte à un homme du nom de Luc Michel utilisant les informations de leur plate-forme alimentée par l’intelligence artificielle et de l’intelligence open source. Dans le passé, M. Michel a travaillé pour légitimer les votes dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie (…) Sa carrière l’a conduit en Libye pour soutenir le dirigeant de l’époque, Mouammar Kadhafi. Il s’est également rendu au Burundi en tant que conseiller du président Pierre Nkurunziza. Pendant tout ce temps, il a maintenu un lien avec la Russie, travaillant avec « Nashi », le mouvement de jeunesse du Kremlin, et créant un « groupe de surveillance des élections » autoproclamé qui a déclaré les référendums illégaux de Moscou de 2014 en Crimée, Donetsk et Lougansk « libres et équitables ».

Il a déclaré à la BBC : « Je défends la Russie depuis les années 1980. Je pense que la Russie est la seule force anti-américaine qui reste en Europe. Je suis nostalgique de l’Union soviétique. Je veux un monde libre sans l’Amérique ».

Les efforts de Michel ont eu un impact réel. « La russosphère, c’est la première fois que Luc Michel et les opérations d’influence générale qu’il dirige connaissent un succès significatif », dit-il. « Même si les groupes ont été aidés par des bots au début (sic), ils sont maintenant une véritable opération d’influence organique, avec une grande partie de vrais followers de toute l’Afrique. »

DES RÉSEAUX SOCIAUX À LA RUE AFRICAINE

Il est difficile d’évaluer l’impact de campagnes de désinformation spécifiques, mais en Afrique, le message pro-russe est entendu – amplifié, disons, les analystes, par des influenceurs locaux cultivés par la Russie.

« Le succès de gens comme Luc Michel est dû à son opposition à la France. Il puise dans de vrais griefs sur le terrain », explique Kevin Limonier, professeur associé à l’Université de Paris-8 étudiant les opérations d’information de Moscou en Afrique.

« La désinformation russe a été un facteur qui a contribué à chasser les forces françaises des pays du Sahel, en particulier du Burkina Faso », selon Ulf Laessing, de la Fondation Konrad Adenauer, un groupe de réflexion allemand de centre-droit.

En 2013, quelque 5 000 soldats français avaient été déployés pour combattre des groupes djihadistes militants au Mali ainsi qu’au Burkina Faso, au Tchad, au Niger et en Mauritanie. Mais l’année dernière, ils se sont retirés du Mali et s’apprêtent à quitter le Burkina Faso.

« LA RUSSIE EST-ELLE EN TRAIN DE CHASSER LA FRANCE DU CONTINENT AFRICAIN? » (LE FIGARO)

« Oui. Avec un effet domino qui pourrait atteindre plusieurs pays. Après la République centrafricaine et le Mali en 2022, l’armée française quitte le Burkina-Faso, partout chassée par Wagner et les pouvoirs locaux. (…) Dans les trois capitales, les drapeaux russes fleurissent sur les bâtiments officiels et le sentiment anti
français s’enflamme. Depuis plusieurs années, les mercenaires russes de Wagner sont aussi implantés en Libye, aux côtés du maréchal Haftar. »

Le 15 août 2022, poussés dehors par la junte au pouvoir à Bamako, les derniers soldats de l’opération Barkhane quittaient le territoire malien. Nouvel affront pour Paris : le 24 janvier 2023, la junte burkinabè demandait le retrait sous un mois des forces spéciales françaises de l’opération Sabre stationnées au Burkina Faso… Deux pays dirigés par des putschistes, deux pays où Moscou avance ses pions via les mercenaires de Wagner.

Quelles sont les leçons à tirer de cette guerre «anti-terroriste» menée par Barkhane au Sahel pendant 9 ans ? Pourquoi cette montée du sentiment anti-français dans la région ? Est-ce un épiphénomène ou le signe qu’une page se tourne, que l’Afrique veut désormais être maîtresse de son destin et de ses alliances, même si elles déplaisent aux Occidentaux. Dans ce contexte, quelle stratégie à présent pour la France au Sahel et y a-t-elle encore un rôle à jouer ?

« RUSSOSPHERE » EST AUJOURD’HUI BIEN UTILE POUR LE KREMLIN

« Plusieurs médias russes sont interdits depuis que Moscou a envahi l’Ukraine et cela permet à Moscou de contourner cet obstacle. Un des objectifs de « Russosphère » est ainsi de briser les liens entre la France et les pays africains, dans la continuité de ce que faisait déjà la Russie », écrit le grand hebdo belge TéléMoustique.

« CETTE STRATEGIE SEMBLE PORTER SES FRUITS »

« Si son influence réelle est difficile à estimer avec précision, cette stratégie semble porter ses fruits. Le Mali a déjà expulsé les soldats français qui avaient pourtant aidé Bamako à se débarrasser des indépendantistes islamistes de l’Azawad. Dernièrement, après un coup d’État au Burkina Faso, les forces spéciales françaises viennent d’y être déclarées persona non grata. Au même moment, les drapeaux russes flottaient dans le pays. »

Luc Michel considère « que les pays africains ont tout intérêt à se détacher de leurs anciens colonisateurs européens et à développer des liens plus étroits avec la Russie. Le Belge a déjà participé à des campagnes similaires en Libye, en République centrafricaine, au Tchad, en Guinée équatoriale et au Burundi, où il a brièvement travaillé comme conseiller de l’ancien président Pierre Nkurunziza. Il a également pris part à des campagnes en ligne visant à légitimer les référendums non officiels dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie. » Il estime « que les pays africains doivent se libérer de leur ancien colonisateur occidental et renforcer leurs liens avec la Russie »

Dans les années qui ont précédé l’invasion russe de l’Ukraine, le nombre d’adeptes de Michel a augmenté régulièrement en Afrique, mais depuis février de l’année dernière, le nombre d’adeptes de la russosphère dans ces pays a explosé, à plus de 80 000.

Selon les experts de la Fondation Konrad Adenauer, une Ong liée aux services secrets BND de Berlin, l’effet de telles campagnes en ligne ne doit pas être sous-estimé. Ils disent que la désinformation russe a contribué à l’expulsion des troupes françaises du Burkina Faso et du Mali, également un objectif de Michel : « Je pense que la Russie devrait remplacer les Français dans toute l’Afrique », a déclaré le Belge. Des rapports diffusés par la Russosphère accusent les Français de « colonialisme moderne ».

Fin novembre de l’année dernière, il a déclaré à l’hebdomadaire Humo : « Je mène une guerre de communication avec un groupe de stations de radio et de télévision et tous les médias sociaux possibles. Et je peux vous dire : ça se passe bien. La Russie a gagné la guerre des communications en Afrique. »

SELON L’OFFICINE BRITANNIQUE LOGICALY, « L’INFLUENCE DE LA RUSSOSPHERE DANS LES PAYS AFRICAINS COMME LE MALI ET LE BURKINA FASO EST CONSIDERABLE »

« Il s’agit d’une opération d’influence à grande échelle avec des adeptes dans toute l’Afrique », a déclaré le chercheur Kyle Walter à la BBC. Le but de la campagne de propagande, selon les chercheurs de Logically, est clair : discréditer la France dans les pays africains avec lesquels elle entretient traditionnellement des relations étroites et empêcher les dirigeants africains de rejoindre l’alliance occidentale qui soutient l’Ukraine ».

« La désinformation russe a été un facteur qui a contribué à chasser les forces françaises des pays du Sahel, en particulier du Burkina Faso », selon Ulf Laessing, de la Fondation Konrad Adenauer.

LUC MICHEL :
« JE PENSE QUE LA RUSSIE DOIT REMPLACER LES FRANÇAIS DANS TOUTE L’AFRIQUE »

Cela rejoint directement les objectifs de M. Michel. « Je pense que la Russie doit remplacer les Français dans toute l’Afrique », a-t-il déclaré à la BBC.

« Estimer l’impact des opérations d’information est quasiment impossible », explique M. Limonier, expert des campagnes d’influence du Kremlin.

Mais une chose est claire : de telles opérations inquiètent l’Occident.

A Paris, selon M. Limonier, « les diplomates et les militaires, ils le lisent, ils le voient et ils disent : ‘Oh mon dieu' ».

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