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2023 01 27

Burkina Faso: la France dirigée vers la porte de sortie (Débat )

Les autorités du Burkina Faso ont confirmé qu’elles avaient demandé le départ des troupes françaises basées à Ouagadougou dans un délai d’un mois. Suite à cette annonce de Ouagadougou, Paris a rappelé son ambassadeur.

Après plusieurs échecs du gouvernement français sur le sol africain, l’effet domino se poursuit de manière attendue. Aujourd’hui, suite aux revendications populaires, c’est au tour des autorités burkinabés d’officialiser la demande de départ des troupes françaises du sol national.

Le système néocolonial de la Françafrique semble s’effondrer définitivement. Cette demande de Ouagadougou intervient à un moment où l’ancienne puissance coloniale ne veut toujours pas perdre sa sphère d’influence dans les anciens pays colonisés. Jeudi 26 janvier, le ministère français des Affaires étrangères a rappelé son ambassadeur au Burkina Faso « pour consultations » après l’annonce du départ des forces spéciales françaises du pays dans « un mois ».
Dans le contexte des derniers développements au Burkina Faso, nous avons décidé de rappeler notre ambassadeur à Paris pour des consultations sur l’état et les perspectives de notre coopération bilatérale », a déclaré le ministère à l’AFP.

Bernard Cornut, politologue, et Luc Michel, géopoliticien, sont intervenus sur ce sujet.

BURKINA FASO, MALI… POURQUOI « LA FRANCE SE PREND CLAQUE SUR CLAQUE » AU SAHEL ?

SENTIMENT ANTI-FRANÇAIS : le gouvernement militaire au pouvoir au Burkina Faso a réclamé le départ des troupes de Paris ainsi que celui de l’ambassadeur de France.

* Les relations entre la France et le Burkina Faso se sont dégradées alors que Ouagadougou a réclamé le départ de l’ambassadeur français et des forces spéciales de l’opération Sabre.

* Un an après le retrait de Barkhane à la demande de Bamako, le scénario malien est dans toutes les têtes.
Mais peut-on vraiment comparer les deux pays ?

* France est-elle encore la bienvenue quelque part en Afrique francophone ?

Près d’un an après le début du retrait des troupes de l’opération Barkhane du Mali, et quelques mois après un départ de la Centrafrique, c’est désormais le Burkina Faso qui rejette la présence tricolore venue soutenir la lutte contre les groupes djihadistes qui sévissent au Sahel. D’ici un mois, les 400 militaires des forces spéciales françaises, engagées dans une opération baptisée Sabre, ne seront plus qu’un souvenir. L’option privilégiée serait alors de redéployer ces militaires d’élite au Niger voisin. Mais jusqu’à quand ?

Le scénario burkinabé ressemble de plus en plus aux rebondissements qui touchent le Mali avec quelques mois d’écart. Entre le sentiment anti-français, des putschs à répétition, des militaires au pouvoir et un rapprochement avec la Russie, le Burkina Faso est-il dans les pas du Mali ?

« Ça ne fait aucun doute ».

DES MILITAIRES AU POUVOIR

Ce n’est pas un mais deux coups d’Etat qui ont secoué le Burkina Faso en 2022 déclenchés par des attaques meurtrières perpétrées par des djihadistes. Le premier a renversé en janvier le président Roch Marc Christian Kaboré remplacé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Mais ce dernier est à son tour éjecté du siège présidentiel en septembre de la même année. C’est le capitaine Ibrahim Traoré, désigné président de transition jusqu’à une élection présidentielle prévue en 2024, qui lui succède. Un scénario qui n’est pas sans rappeler celui du Mali où deux coups d’Etat ont également éclaté en 2020 et 2021, laissant là aussi la place aux militaires.

Depuis leur arrivée au pouvoir en septembre, le capitaine Traoré et son gouvernement ont manifesté leur volonté de diversifier leurs partenariats, notamment en matière de lutte contre le djihadisme. Car les attaques d’al-Qaïda et de Daesh (l’Etat islamique (EI)) sont régulières et meurtrières au Burkina Faso, comme dans le reste du Sahel. Aqmi y sévit sous la bannière du Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), la branche officielle d’al-Qaïda au Mali. Et Daesh, combat sous le nom du EIGS (l’Etat islamique au grand Sahara). Les groupes djihadistes « contrôlent des zones, tapent aux frontières avec le Togo et le Bénin ». Al-Qaïda a ainsi revendiqué une attaque en octobre dernier contre la caserne de Djibo, dans le nord du Burkina, faisant dix morts dans les rangs des forces burkinabées.

« NON A LA FRANCE, VOLEUR DE L’AFRIQUE »

Des pancartes « Non à la France, voleur de l’Afrique », « France dégage » et autres slogans appelant au départ de l’ambassadeur français au Burkina Faso, Luc Hallade, fleurissent dans les manifestations à Ouagadougou. Un sentiment anti-français né « d’une opération Barkhane jugée gravement inefficace et vécue comme un échec ». « les résultats n’ont pas été au rendez-vous et la population est donc déçue « .

Mais d’une manière générale, « il y a un mécontentement de la politique étrangère de la France en Afrique et cela ne date pas d’hier. Et aujourd’hui, il est amplifié, médiatisé fortement par le russes qui ont réussi à renforcer ce sentiment anti-français », note-t-il. On remarque d’ailleurs des drapeaux russes flotter au-dessous de certaines manifestations rejetant la présence française. Si le Niger voisin est évoqué comme prochaine destination de ces forces spéciales françaises, seront-elles accueillies avec les mêmes slogans ? « La France se prend claque sur claque, elle est en train de se faire rejeter de toute l’Afrique de l’Ouest » !

VERS UN RAPPROCHEMENT AVEC LA RUSSIE

Si les autorités assurent en coulisses à Paris ne pas vouloir s’adjoindre les services de Wagner, un rapprochement avec Moscou semble se dessiner. Le Premier ministre Apollinaire Kyélem de Tambèla s’est en effet rendu à Moscou dans le cadre d’une « visite privée » le 7 décembre dernier après une première escale au Mali, selon le site Jeune Afrique. Il avait ensuite déclaré qu’un partenariat avec la Russie était « un choix de raison ».

Par ailleurs, une équipe de liaison du groupe paramilitaire actif au Mali est venue, pays riche en ressources minières, selon plusieurs sources françaises. Et si Ouagadougou suit la voie du Mali, les forces militaires burkinabées pourraient venir appuyer les militaires dans leur lutte contre les djihadistes.

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