2022 11 20
Le président français Emmanuel Macron participe, samedi 19 novembre, au sommet de la Francophonie à Djerba en Tunisie, où la communauté francophone se réunit. Il y fait escale sur le chemin du retour de Bangkok, où il avait participé au sommet de l’Apec, et après le G20 de Bali. C’est la fin d’une grosse séquence internationale.
Luc Michel, géopoliticien, nous donne plus d’explications.
EMMANUEL MACRON EN OPERATION DIPLOMATIQUE AU SOMMET DE LA FRANCOPHONIE A DJERBA (RFI) :
En deux semaines, Emmanuel Macron s’est rendu à la COP27 en Égypte, au G20 en Indonésie, au forum de Coopération économique Asie-Pacifique (Apec) en Thaïlande, et le voilà en Tunisie pour le sommet de la Francophonie : la dernière étape d’un long périple diplomatique.
Et à Djerba aussi, le président français a l’intention d’évoquer la question de la guerre en Ukraine, dans la session de discussion à huis clos consacrée à l’avenir de la Francophonie. Cela dans l’objectif de mobiliser autour des valeurs partagées par les membres de la communauté francophone : l’organisation de la Francophonie peut avoir un rôle d’influence, explique-t-on dans l’entourage du président.
Emmanuel Macron ne prononcera pas de discours et ne restera pas jusqu’à la fin du sommet, puisqu’il a prévu de rentrer dès le soir en France. Le président de la République profitera donc surtout de son passage à Djerba pour avoir des entretiens bilatéraux avec ses homologues francophones : avec le président tunisien et hôte du sommet Kaïs Saïed, mais aussi avec le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et certainement des dirigeants africains.
À l’Élysée, on explique qu’un créneau est réservé pour organiser ces discussions : avant de rentrer à Paris, Emmanuel Macron veut encore essayer d’engranger des soutiens.
CONFLIT ENTRE L’ARMENIE ET L’AZERBAÏDJAN :
L’EUROPE TENTE DE S’INGERER
Alors que le 31 octobre, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont accepté de « ne pas recourir à la force » lors d’un sommet organisé par la Russie, des bombardements ont eu lieu à la frontière ce lundi. La tentative de Poutine pour résoudre la question du Haut-Karabakh lui a-t-elle donné l’avantage sur l’UE ?
Trente-quatre ans d’affrontements armés font de ce conflit, né avant la chute de l’URSS, en 1988, un des plus anciens de cette région du Caucase. La dernière guerre s’était conclue en 2020 par un accord signé avec la Russie de Vladimir Poutine, prenant acte de la défaite arménienne face à une armée azerbaïdjanaise soutenue fermement par la Turquie du président Erdogan. Mais les affrontements ont repris en septembre dernier avant qu’une rencontre ne soit organisée à Prague par l’Union européenne et la France pour interrompre les combats. Une rencontre suivie par un sommet tripartite organisé à Sotchi par la Russie qui s’est conclu par la volonté de « ne pas recourir à la force ».
Malgré cet accord temporaire, les deux pays belligérants se sont mutuellement accusés aujourd’hui de bombardements frontaliers, alors même que leurs représentants respectifs devaient rejoindre Washington pour discuter de la fin de ce conflit. On le voit : Washington, Moscou mais aussi Bruxelles et Paris, sans compter Ankara et Téhéran, ennemis dans la région, autant de pays intéressés par ce conflit récurrent dans une région à hauts risques traversée par des routes commerciales et stratégiques de première importance.
Laisser la Russie se débattre ?
Alors que l’on s’habituait peu à peu à l’idée que la Russie devenait un état paria, elle apparaît soudainement, avec le sommet tripartite de Sotchi, comme un acteur capable encore d’amener la paix. Or l’apaisement n’a pas duré, et la Russie est effectivement amoindrie, d’après Thorniké Gordadzé : « En fait, il y a une concurrence parmi les intermédiaires pour arriver à une solution. Il y a un retour de certains acteurs dans le processus de négociation. Alors que dans la deuxième partie des années 2010, les acteurs non régionaux n’étaient plus tellement présents : il y avait Moscou et Ankara qui étaient présents et il n’y avait pas l’Union européenne, le groupe de Minsk, les Etats-Unis. Là, on voit un changement assez notoire et tout ça est lié au fait que la Russie s’affaiblit principalement depuis l’invasion de l’Ukraine. Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est que la Russie n’a plus le monopole de ce processus et ses tentatives de Sotchi visaient à rattraper un peu son recul ».
La préséance russe dans le règlement des questions frontalières au Caucase est donc largement fragilisée, et cela se confirme sur le terrain, insiste Jean-Sylvestre Mongrenier : « la présence russe dans la région a diminué : depuis la guerre de l’Ukraine, presque la moitié des troupes qui sont stationnées dans le Haut-Karabakh sont ou ont été envoyées en Ukraine. De plus l’accord avec l’Azerbaïdjan sur leur présence expire en 2025 et l’Azerbaïdjan fait déjà pression sur la Russie. Alors on pourrait très bien envisager le fait qu’en 2025, l’Azerbaïdjan ne donne plus à la Russie le droit de continuer d’être présent sur le territoire ». Ainsi, non seulement la Russie n’est plus l’acteur omnipotent du Caucase, mais celui-ci pourrait soudainement devenir une menace, relate Taline Ter Minassian : « les Russes savent très bien que l’Ukraine et le Caucase sont en partie liés en réalité. Et ils ont justement très peur de l’ouverture de ce qu’ils appellent un ‘deuxième front avec l’Occident’ qui viendrait pour soutenir les Arméniens, par exemple contre les Azerbaïdjanais. A supposer qu’un tel format soit crédible dans la mesure où l’Occident est tout de même l’allié de la Turquie au sein de l’OTAN et que l’Azerbaïdjan est courtisé par l’Union européenne ».
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