Le Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
de LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ)/
2022 10 01/ Série IV/
(avec AFP)
Je connais bien ce dossier, personnellement. En 1998, dans une autre vie, j’avais épousé une jeune russe de Riga en Lettonie. J’avais immédiatement découvert l’apartheid anti-russe des atlantistes lettons, nostalgiques comme Kiev de la Collaboration nazie. En ces temps sombres, il n’y avait ni Poutine , partis ou organisation russophones. Avec notre PCN et notre collectif antinazi EUROPAISCH WIDERSTAND, j’avais engagé le combat pour défendre les russophones. En tant qu’acteur géopolitique indépendant, je suis « un ouvreur de nouveaux fronts » (comme dit le Pentagone)…
Dans le cadre ukrainien, l’apartheid linguistique antirusse est renforcé ! La nouvelle loi lettone sur l’éducation, en imposant à partir de la rentrée scolaire de septembre la prépondérance de l’enseignement en letton, y compris dans les écoles russophones, clôt le débat sur le statut de la langue russe en Lettonie : le letton est l’unique langue officielle et, si les russophones de Lettonie veulent s’intégrer à la société locale, il leur faut parler letton.
EN LETTONIE, QUELLE PLACE ACCORDEE AU RUSSE, LANGUE MATERNELLE D’UN TIERS DE LA POPULATION ?
Le pays a une forte minorité russophone dans ses frontières. Si l’emploi du letton et du russe en fonction des interlocuteurs était une habitude jusqu’à présent, une loi impose depuis 2018 que l’enseignement soit fait seulement dans la seule langue officielle, le letton.
Quand tu viens à Daugavpils, tu arrives en Russie, selon la blague des étudiants de la ville. Et pour cause, 80 % de la population de la deuxième ville de Lettonie (100 000 habitants) est russophone. Une donnée qui peut surprendre les touristes se promenant dans la rue, tant il y a peu de magasins affichant sur leur devanture des indications en cyrillique, l’alphabet russe. Il faut payer une contribution pour le faire, alors beaucoup de patrons s’en passent.
Tout le monde autour de moi parle russe, affirme Ilona, une entrepreneure à Daugavpils de 36 ans qui se présente comme coach pour femme. Ses parents ont choisi de prendre le passeport russe pour aller plus facilement visiter la famille de l’autre côté des frontières russe ou biélorusse, tandis qu’elle a le passeport letton, le rouge. Au contraire de sa sœur de 13 ans qui est une non-citoyenne, ce statut particulier n’existant qu’en Lettonie et en Estonie où des citoyens n’ont pas la citoyenneté complète de leur pays car ils n’ont pas choisi d’opter pour la nationalité locale. Ils possèdent alors le passeport bleu foncé. Mes parents n’ont pas entrepris les démarches administratives à temps pour ma sœur et ne veulent pas payer pour le test [environ 200 €] à passer pour obtenir le passeport rouge, explique Ilona.
Cette famille aux origines mélangées, à la fois lettonne, russe et biélorusse, est loin d’être un cas à part en Lettonie.
« À partir de l’année scolaire 2025/2026, tous les enfants de Lettonie étudieront uniquement en letton », a souligné la ministre de l’Éducation et des Sciences, Anita Muižniece (Convervateurs), le 11 mai 2022 sur TV24.
Le ministre estime que la transition vers des études uniquement en letton au cours des trois prochaines années est tout à fait opportune. « J’aimerais avoir un livre blanc demain, mais il est important pour moi, en tant que ministre, de m’assurer que les décisions que nous prenons soient durables », a-t-il déclaré. Jusqu’au 24 mai, les ministères devraient approuver les amendements aux textes réglementaires afin de mettre en œuvre la transition vers l’enseignement uniquement dans la langue d’État.
La proposition du ministère de l’Éducation et des Sciences prévoit qu’au début, les élèves de première, quatrième et septième années seront enseignés en letton, puis l’année suivante les élèves en deuxième, cinquième et huitième années, et à partir de l’année scolaire 2025/2026 — tous les enfants du pays seront enseignés dans la langue d’État.
Depuis 2018, il y a eu une transition progressive vers l’enseignement principalement en letton, et au cours de l’année scolaire 2021/2022, le processus touche à sa fin — actuellement, 50 à 80 % de l’enseignement dans les écoles primaires des minorités nationales (à 90 % russophones) se fait en letton.
L’ALLIANCE NATIONALE EN DEMANDE DAVANTAGE :
Dans les écoles secondaires, l’enseignement est dispensé uniquement dans la langue d’État, ce qui maintient la possibilité pour les élèves d’étudier les langues minoritaires, la littérature et les matières liées à la culture et à l’histoire dans leur langue maternelle, note l’Alliance nationale (AN). L’Alliance nationale qui a récolté 16,61 % des voix aux législatives de 2018 est membre de la coalition conservatrice et libérale au pouvoir.
L’Alliance nationale est un parti national-conservateur, très hostile aux migrants et à toute forme de multiculturalisme ainsi qu’à l’expression des droits de la langue russe parlée par près de 40 % de la population à la maison.
L’anticommunisme extrême du parti le conduit à considérer les collaborateurs pro-nazis de la Légion lettone comme des « patriotes ». Sur les questions de politique internationale, le parti est particulièrement hostile à la Russie.
L’Alliance nationale demande instamment de passer à l’étape suivante et de veiller à ce que le programme scolaire ne soit enseigné que dans la langue d’État et ceci également au niveau de l’enseignement primaire.
Début mars, la Diète (le parlement) a rejeté les amendements proposés par l’AN à la loi sur l’éducation et à la loi sur les établissements d’enseignement supérieur, qui auraient prévu l’enseignement en letton uniquement dans les écoles dès la prochaine année scolaire.
LE RUSSE, LANGUE DE LA CAPITALE ET DE 37 % DES HABITANTS DU PAYS
La langue officielle de la Lettonie est le letton qui, pour environ 62 % de la population, est la principale langue parlée à la maison en 2011. Le russe est la principale langue parlée à la maison par environ 37 % des habitants du pays. Le letton est majoritaire dans tout le pays excepté dans les régions de Riga (la capitale) et de Latgale, où le russe est la langue de respectivement 56 % et 60 % de la population.
ÉLIMINER LE RUSSE COMME LANGUE SECONDE
Le 3 février, le président letton Egils Levits a rencontré la ministre de l’Éducation et des Sciences Anita Muižniece au château de Riga. La réunion a porté sur la réforme du réseau scolaire à Dunebourg (Daugavpils) et, lors des discussions, Levits a exprimé l’avis que l’apprentissage d’une deuxième langue dans les écoles lettones devrait se concentrer sur les langues officielles de l’Union européenne — ce qui exclut notamment le russe.
Une marche de protestation en 2003 contre le prochain transfert des écoles minoritaires en 2004 vers l’enseignement bilingue a été organisée par le Siège pour la protection des écoles russes. En 2004, le ministère de l’Éducation et des Sciences de la Lettonie a imposé l’enseignement bilingue dans les écoles russophones (60 % en letton et 40 % en russe), provoquant une série de protestations et d’opposition de la part du Siège pour la protection des écoles russes et de l’Association de soutien des écoles de langue russe.
REFORME DE L’EDUCATION 2018-2025
Le 23 janvier 2018, le Conseil des ministres a convenu de lancer une réforme de l’éducation en 2019 qui comprenait une transition progressive vers le letton comme seule langue d’enseignement général dans toutes les écoles secondaires russophones et d’augmenter le pourcentage de matières générales enseignées en letton dans les écoles primaires russophones (au moins 50 % pour le primaire — 6 à 12 ans — et 80 % pour le secondaire inférieur niveaux — 13 à 15 ans), à l’exception de la langue maternelle, de la littérature et des matières liées à la culture et à l’histoire russes qui continueront d’être enseignées en russe.
MANIFESTATION DE RUSSOPHONES
Le 4 juillet 2018, le président letton de l’époque, Vējonis, a promulgué un projet de loi controversé proposé par le ministère de l’Éducation et des Sciences visant à étendre les mêmes restrictions linguistiques aux établissements d’enseignement supérieur publics et qu’elles s’imposent également aux universités et collèges privés à partir du 1er septembre 2019. Celles-ci ne seraient plus autorisées à admettre de nouveaux étudiants dans des programmes d’études enseignés dans des langues non officielles de l’Union européenne, à savoir en pratique le seul russe, et que ceux inscrits devront terminer les programmes d’études en cours respectifs d’ici le 31 décembre 2022. Le projet de loi a été opposé par le Parti social-démocrate d’opposition « Harmonie », ainsi que les chefs de plusieurs universités et de plusieurs ONG. Le vice-recteur de l’École internationale d’économie et d’administration des affaires de Riga, Igors Graurs, a déclaré que cela affecterait la capacité d’expatriation des diplômés lettons, entraînant une perte d’environ 54 millions d’euros pour l’économie lettone. Une opinion similaire a été exprimée par l’Union des étudiants de Lettonie qui a qualifié la proposition de « menace pour le développement des programmes d’études et la compétitivité de l’éducation dans l’Espace européen de l’enseignement supérieur, ainsi que dans le monde ».
Le 3 avril 2018, la Douma d’État (la diète russe) a publié une déclaration s’opposant fermement à la réforme et affirmant qu’elle « viole les principes observés par la plupart des pays civilisés ». Elle a exigé que des « mesures économiques spéciales » soient prises contre la Lettonie, tandis que le ministère des Affaires étrangères de Russie a averti que la nouvelle législation aurait un impact négatif sur les relations entre la Lettonie et la Russie.
LE DEPUTE RUSSE SERGE JELEZNIAK A QUALIFIE LA REFORME DE « GENOCIDE LINGUISTIQUE » ET L’A COMPAREE AU « NAZISME PERPETRE ENVERS LA POPULATION RUSSE » QUI A LIEU EN UKRAINE.
La réforme a été suivie de plusieurs manifestations de la part de Lettons russophones. Le ministre letton de l’Éducation et des Sciences, Kārlis Šadurskis, a qualifié les manifestations de « motivées politiquement », affirmant que le Kremlin désirait que les jeunes russophones de Lettonie aient de faibles compétences en letton et les maintiennent sous l’influence de la propagande russe.
ACCUEIL RESERVE DE LA COMMISSION DE VENISE SUR LES DROITS DES MINORITES NATIONALES
La Commission de Venise sur les droits des minorités nationales s’est penchée sur la réforme éducative en Lettonie. Elle a émis un avis en juin 2020 à ce sujet, on peut y lire aux paragraphes 119 et 120 sa conclusion.
Néanmoins, le système introduit par la législation récente concernant l’enseignement préscolaire doit être réexaminé pour faire en sorte que les personnes appartenant aux minorités nationales continuent de bénéficier de la possibilité de maîtriser leur langue, ce qui est essentiel pour la protection et la promotion de l’identité des minorités ainsi que pour la préservation de la diversité linguistique au sein de la société lettone.
Selon la Commission, tant que la Lettonie garantit cette possibilité à toutes les minorités nationales, privilégier l’enseignement dans certaines langues — soit les langues officielles de l’UE — qui sont dans le même temps les langues de certaines minorités nationales serait acceptable. En outre, les écoles privées devraient être autorisées à dispenser un enseignement dans les langues minoritaires. La Commission rappelle que le respect du droit des personnes appartenant à des minorités de préserver et de développer leur langue ainsi que leur identité ethnique et culturelle est, pour la Lettonie, une obligation qui découle de ses engagements internationaux.
Photo :
Au cœur de la russophobie lettone,
Défilé des anciens de la Légion SS lettone annuel ;
les collaborateurs pro-nazis de la Légion lettone présentés comme des « patriotes ».
Luc MICHEL (Люк МИШЕЛЬ)
* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
Géopolitique – Géoéconomie – Géoidéologie – Géohistoire – Géopolitismes – Néoeurasisme – Néopanafricanisme
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