Le Quotidien géopolitique – Geopolitical Daily/
de LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ)/
2022 17 09/ Série IV/

« L’heure est à la détermination, pas à l’apaisement », assure la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen

« Energie: l’Europe a-t-elle encore les moyens de bluffer? », interroge Le Temps (Genève) : « Il faut redouter que Russie et Chine se mettent d’accord pour saigner les Occidentaux, explique notre chroniqueur Laurent Horvath, pour qui l’Europe a créé les conditions de sa crise énergétique (…) Pour gagner au poker? De bonnes cartes et un sens tactique peuvent permettre de faire un bon bout de chemin. Dans le bras de fer énergétique avec la Russie, l’Europe manque d’atouts ».

« LA PRESIDENTE DE LA COMMISSION EUROPEENNE, URSULA VON DER LEYEN, NE CESSE DE DEMONTRER QUE LA FINESSE GEOPOLITIQUE N’EST PAS SON SENS LE PLUS DEVELOPPE » (LE TEMPS)

« Sur le Vieux-Continent, seuls les cardiogrammes des gisements gaziers et pétroliers de la Norvège, des Pays-Bas et de l’Angleterre donnent encore des signes de vie. Pour le reste, même le charbon n’est plus de qualité. Dans les faits, l’Europe est un géant aux pieds d’argile dont la libéralisation effrénée de son marché énergétique l’a propulsée dans une crise de sa propre création. Même si Bruxelles a touché le fond, ses dirigeants font preuve de résilience pour continuer à creuser. Un chef-d’œuvre qui trouvera certainement sa place dans les livres d’histoire ».

« IL EST MINUIT MOINS CINQ, DOCTEURE URSULA VON DER LEYEN » (LE SOIR)

« L’accord des 27 conclu ce vendredi et qui donne mission à la Commission de trouver le moyen de plafonner les prix du gaz est une sorte de minimum requis. La solution structurelle européenne pour faire baisser les prix fous de l’énergie n’est pas encore sur la table. Mais on ne peut pas imaginer qu’elle ne voie pas le jour le plus rapidement possible. Ce serait, sinon, une défaite terrible pour l’Union européenne, mais surtout la source de graves dangers pour les démocraties et les économies européennes. Ce vendredi, en effet, c’est un sentiment d’urgence qui habitait les ministres de l’Energie des 27, poussés dans le dos par la situation de plus en plus désespérée des ménages, des industriels, des petits indépendants, des villes, des communes, des écoles, des jeunes, des plus âgés. La pression économique et sociale est énorme, le risque de voir des entreprises fermer est général. L’explosion de la colère des citoyens sur les politiques en place menace partout en Europe ».

« ON S’EST FAIT PIEGER » : FACE A LA CRISE ENERGETIQUE, L’ECONOMIE ALLEMANDE DANS LA TOURMENTE (L ‘EXPRESS)

Le « made in Germany » qui fonctionnait avec du gaz russe bon marché et profitait d’un marché de libre-échange mondialisé est profondément remis en cause par la crise énergétique. La récession est aux portes du pays.

« AGöppingen, dans le Bade Wurtemberg, les premiers frimas arrivent souvent dès l’automne. La direction du fabricant de trains miniatures Märklin a donc acheté des tenues plus chaudes à ses employés pour qu’ils puissent travailler avec quelques degrés de moins dans les bureaux et les ateliers. Pour réduire la consommation le gaz, la température des radiateurs va baisser partout dans le pays. Les entreprises ne seront pas épargnées par cette mesure d’économie. Car le gaz risque de faire défaut très rapidement. Les réservoirs de gaz sont pleins. Mais cela ne suffira pas à tenir l’hiver si Vladimir Poutine ne rouvre pas le robinet du gazoduc Selon la Fédération des Chambres de Commerce et d’Industrie (DIHK), une entreprise sur six a déjà réduit sa production. « Les perspectives sont très sombres. Une récession paraît désormais inévitable », s’alarme Clemens Fuest, le président de l’Institut de conjoncture de Munich (Ifo). « Si Poutine ferme définitivement le robinet, le recul du PIB devrait atteindre 4 à 5% », pronostique Franziska Holz, directrice adjointe du département Energie à l’Institut de recherche économique de Berlin (DIW). La récession serait alors équivalente à celle de la pandémie (-4,9% en 2020) ».

« GUERRE DU GAZ : COMMENT POUTINE SE JOUE DES SANCTIONS » (LE VIF-L’EXPRESS)

Dans une carte blanche, Le Vif-L’Express (Bruxelles) explique tout :

« On allait voir ce qu’on allait voir. On allait « asphyxier la Russie » avec nos sanctions économiques (Bruno Le Maire). « On irait jusqu’au bout » (Charles Michel). « La Russie ne peut pas gagner » (Emmanuel Macron). Mais le maître du Kremlin semble imperturbable.

L’anticipation n’est pas le fort de nos élites européennes. Comme le taureau devant la muleta, ils foncent sans réfléchir… Depuis le début de la brutale et illégale invasion de l’Ukraine par l’armée russe, il était pourtant évident que les sanctions économiques n’affaibliraient pas que la Russie. Qu’il y aurait un effet boomerang. S’attaquer à la Russie qui fournissait au début de l’année 50% du gaz en Europe (et 100% pour certains pays comme la Bulgarie) relève d’une forme de suicide économique. Sachant que la première puissance industrielle de l’Europe, l’Allemagne, s’est littéralement vassalisée au gaz russe sous l’égide de Gerard Schroeder (sociétaire de Gazprom) et Angela Merkel qui sous la pression des Verts allemands, après la catastrophe de Fukushima, s’est lancée dans une délétère « EnergieWende » visant à abandonner le nucléaire pour du renouvelable intermittent assisté par des centrales au gaz russe…

Qui plus est, cette guerre économique a brisé le fragile équilibre des marchés des matières premières, affolés par le spectre des pénuries d’énergie sur le Vieux Continent et s’adonnant littéralement à la spéculation.

Bien que peu dépendante du gaz russe (notre fournisseur est essentiellement la Norvège), la Belgique subit l’explosion du prix du gaz, ce lundi en augmentation de 30% suite à la fermeture de Nordstream 1, à 268 euros le mégawattheure sur le marché à terme néerlandais. Une situation intenable en Belgique comme en Europe pour les entreprises très consommatrices d’énergie comme le détaille dans Le Vif le journaliste Ewald Pironet. Une partie d’entre elles jouent leur survie. Et après avoir aidé entrepreneurs et professions libérales pendant la crise covid-19 avec de la dette publique, nos pays ne peuvent se risquer à poursuivre ce « quoi qu’il en coûte », d’autant que la Banque centrale européenne ne fera plus tourner la planche à billets au risque de renforcer le mur d’inflation, lui aussi aggravé par la guerre en Ukraine. Cercle vicieux.

Au lieu d’appauvrir la Russie, nous avons permis, avec l’explosion du prix du gaz, que Gazprom engrange dans la première moitié de 2022, 41,6 milliards d’euros de recette et 20 milliards de dividendes

Une course-poursuite se déroule sous nos yeux entre Vladimir Poutine, qui a l’avantage de tout décider seul, cherchant de nouveaux débouchés pour son gaz (Chine, Inde, etc.) et l’Union européenne, dont le centre décisionnel dépend de 27 Etats-membres, qui cherche elle à diversifier au plus vite ses fournisseurs. Avantage à Poutine pour le moment qui a fermé Nordstream I et a cessé totalement ses livraisons à ENGIE France, comme il l’avait fait déjà pour la Pologne et la Bulgarie. C’est la guerre du gaz.

Au lieu d’appauvrir la Russie, nous avons permis, avec l’explosion du prix du gaz, que Gazprom engrange dans la première moitié de 2022, 41,6 milliards d’euros de recettes et 20 milliards de dividendes, essentiellement pour l’Etat russe, principal actionnaire de la compagnie gazière.

Et s’il n’y avait que le gaz… Selon François Lenglet (RTL France), la Russie est « littéralement noyée sous le cash depuis l’invasion de l’Ukraine ». « A la fin juillet, elle a engrangé 97 milliards de dollars de recettes d’hydrocarbures principalement du pétrole, soit, selon le Wall Street Journal, 40% de plus qu’avant-guerre. » Ce que Poutine perd en volume, il le rattrape sur les prix, dopés par la guerre et les sanctions.

« Les sanctions que nous payons cher à cause de l’inflation n’ont servi qu’à remplir les coffres de Poutine », précise le journaliste économique d’RTL. Selon le CREA (Center of Research on Energy), depuis le 24 février 2020, date de l’invasion, l’Europe a versé 86 milliards d’euros à la Russie, finançant indirectement sa guerre contre l’Ukraine.

Sans compter les autres clients qui n’adhèrent pas à l’embargo sur le pétrole russe : Inde (un million de barils par jour), Chine, Turquie et… Arabie saoudite qui le revend au prix fort, contournant l’embargo. Autosuffisante grâce aux hydrocarbures de schiste, l’Amérique de Biden ferme les yeux sur notre triste sort…

On peut tirer trois types d’enseignements de cette crise énergétique sans précédent depuis 1973 :-

Au niveau politique, les sanctions économiques sont rarement efficaces (pensons à Cuba, l’Iran ou l’Irak), encore moins contre un ennemi aussi puissant à tous égards que la Russie. Et les embargos sont faits pour être détournés.
Au niveau sociétal, les citoyens belges qui entreront en précarité énergétique vont découvrir que ce besoin primaire (se chauffer) n’est pas un acquis.
Au niveau énergétique, l’Europe a toujours, à moyen terme, un besoin criant d’hydrocarbures malgré ses généreux objectifs de décarbonisation. L’énergie nucléaire n’est pas « une chimère du passé » (Georges Gilkinet) mais une énergie d’avenir qui peut nous aider grandement à atteindre nos objectifs climatiques. Les énergies renouvelables étant, en majorité, intermittentes, elles ne peuvent servir de socle énergétique mais seulement d’apport dans un mix dans lequel les hydrocarbures règnent encore en maîtres. »

Luc MICHEL (Люк МИШЕЛЬ)

* Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique :
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