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Questions sur le missile hypersonique que la Russie a utilisé lors d’une frappe, qualifié d' »invincible » par Vladimir Poutine, sur un entrepôt souterrain en Ukraine :

Un recours annoncé comme une première. L’armée russe a, samedi 19 mars, tiré un missile hypersonique en Ukraine. Elle a été utilisée pour détruire un entrepôt souterrain de missiles et de munitions de l’aviation de l’armée ukrainienne dans la localité de Deliatine, dans l’ouest de l’Ukraine, à seulement une soixantaine de kilomètres à vol d’oiseau de la frontière roumaine.
De son côté, le porte-parole des forces aériennes ukrainiennes a confirmé que « l’ennemi a effectué des frappes contre nos dépôts (…) Il y a eu des dommages, des destructions, des détonations de munitions ».

Que sait-on de ce type d’arme ? Pourquoi la Russie l’utilise-t-elle ? Eléments de réponse :

Quelles sont les caractéristiques de ce missile ?
Le missile hypersonique utilisé par la Russie en Ukraine s’appelle Kinjal, « poignard » en russe. D’un poids de 4 tonnes et long d’environ 7,4 mètres, il équipe notamment les avions de chasse MiG-31. « Les armes hypersoniques sont beaucoup plus rapides que les missiles de croisière ou missiles balistiques traditionnels », explique à franceinfo Héloïse Fayet, chercheuse au centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri). « Les missiles hypersoniques ont également de plus grandes facilités à changer de trajectoire au cours de leur progression vers la cible. » Largué depuis un avion, un missile Kinjal va commencer à avoir une trajectoire en cloche, puis va se diriger vers sa cible à une vitesse pouvant atteindre, selon Moscou, Mach 10, soit 12 000 km/h. Sa manœuvrabilité le rend ainsi extrêmement difficile, voire impossible à intercepter, même si certains experts militaires occidentaux estiment que la Russie peut exagérer sur les capacités de cette arme.

Testés en 2018 par la Russie, les missiles Kinjal ont atteint lors des essais toutes leurs cibles à une distance pouvant atteindre 1 000 à 2 000 km, selon le ministère russe de la Défense. Ces armements hypersoniques sont capables d’échapper à des systèmes de défense comme le bouclier antimissile américain en Europe. Outre le Kinjal, la Russie détient l’Avangard, missile hypersonique capable d’atteindre 27 fois la vitesse du son, ou encore le Poseidon, un drone sous-marin qui peut se déplacer à une vitesse de 60 à 70 nœuds (111 à 129 km/h).

Que cherche à faire la Russie à travers son utilisation ?
Pour le moment, la Russie n’a pas détaillé les raisons de l’utilisation du Kinjal. Pour la chercheuse Héloïse Fayet, l’arme est « démesurée » par rapport à la cible, et l’armée russe aurait pu se contenter d’un missile balistique classique comme l’Iskander, utilisé depuis le début du conflit. « On peut imaginer que le Kinjal est utilisé en raison d’un épuisement des stocks de missiles de courte et de moyenne portée traditionnels », envisage-t-elle.
« Les Russes peuvent vouloir montrer qu’ils ont des armes encore plus puissantes en réserve. C’est une façon de durcir le ton. » Héloïse Fayet, chercheuse à l’Ifri à franceinfo : « Pour la Russie, l’objectif est de rappeler qu’elle a certains armements uniques au monde. En termes de puissance, de démonstration, c’est de la communication et c’est une réponse aux Etats-Unis qui veulent fournir des systèmes de défense antiaériens » à l’Ukraine, ajoute Xavier Tytelman, expert militaire, auprès de France 2. De plus, le missile Kinjal est une arme duale. Elle peut avoir une charge conventionnelle ou une charge nucléaire. La frappe de l’entrepôt souterrain de Deliatine a été conventionnelle, mais elle pourrait permettre de raviver la menace nucléaire entretenue par la Russie.

Cette utilisation peut-elle marquer un tournant dans la guerre ?
Pour l’expert militaire russe Pavel Felgenhauer, le recours au Kinjal ne donne pas un avantage stratégique à la Russie en Ukraine. « Sur le fond, ça ne change pas le champ de bataille, mais c’est certain que cela a un effet sur le plan de la propagande psychologique, pour faire peur à tout le monde », dit-il à l’Agence France-Presse. Une analyse partagée par Héloïse Fayet. « C’est davantage un vecteur de communication de l’armée russe pour contrer tout ce qu’on a pu lire sur son embourbement dans le conflit qu’une évolution stratégique », estime-t-elle. « Il n’est pas sûr que les pays occidentaux réagissent à une unique utilisation. En revanche, si le Kinjal est à nouveau employé dans la guerre, ça sera beaucoup plus significatif. » Héloïse Fayet, chercheuse à l’Ifri à franceinfo : Car si la Russie est le premier pays au monde à avoir développé des armements hypersoniques, leur mise en service a conduit d’autres Etats à accélérer leurs programmes hypersoniques, entraînant une course aux armements dans ce domaine. La Chine a déjà testé de telles armes. D’autres pays, comme les Etats-Unis ou la France, continuent de les développer. Les véritables enjeux des armes hypersoniques dépassent « très largement les questions techniques », rappelle le rédacteur en chef de la revue Défense et Sécurité internationale, Joseph Henrotin, dans une note pour l’Ifri rédigée en 2021. Plus que leur vitesse, c’est leur capacité à changer de direction à tout moment qui pourrait changer les règles des conflits, « revalorisant la surprise, brutalisant les cycles décisionnels, brouillant les perceptions et accroissant la liberté d’action des Etats », met-il en garde.
Dès les premiers jours de la guerre, deux hommes, un Français et un Ukrainien, se sont mobilisés pour acheminer de l’aide dans le pays. Reportage. 

Écoutons l’analyse de Luc Michel, géopoliticien, à ce sujet.

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